2019 : « Tous Gilets Jaunes ? »
Le Riposteur : Pourquoi dites-vous qu’il est souhaitable que tout le monde rejoigne le mouvement des gilets jaunes ?
Théodore Wåldo : Parce que l’ensemble des circonstances dans lesquelles se déroule cette mobilisation est exceptionnel. Autour de nous, les démocraties cèdent une à une à ce que je qualifierais de « tentationnisme », c’est-à-dire à l’idée que seul un régime politique qui privilégie l’autorité absolue d’un état sur les individus peut sauver les peuples du désespoir.
C’est faux.
Mais en situation de crise extrême, la souffrance surpasse la raison et l’on perd facilement tout discernement. Si les intellectuels, les artistes engagés, les libres penseurs qui défendent les libertés individuelles et l’idée d’un monde plus équitable ne sont pas dans la rue auprès de ceux qui l’occupent, ils laissent les coudées franches à tous les extrémismes politiques et religieux.
Nous n’avons jamais eu autant les moyens de nous organiser, de communiquer instantanément et de témoigner en direct à des milliers de personnes des manquements commis à l’encontre des manifestants et de la liberté d’expression. Nous avons la capacité virtuelle de relayer chacun de nos actes sur le terrain et d’en faire un faisceau d’actions solidaires, spontanées et éphémères.
Nous avons l’opportunité d’aller au-devant d’une colère légitime pour l’empêcher de sombrer dans l’aveuglement et la haine, nous avons l’opportunité de nous organiser autour des fondements mêmes d’une nouvelle démocratie plus proche de la réalité sociale. Il n’est pas suffisant de commenter les événements face à son téléviseur en dénonçant les dérives poujadistes d’un mouvement populaire qui ne sont qu’une partie tronquée de la réalité. Si nous voulons faire disparaître des esprits une telle dérive au profit d’une concorde évolutionnaire, solidaire et écocitoyenne, il est de notre devoir d’accompagner les esprits et les cœurs !
LR : Vous étiez dans la rue auprès des gilets jaunes lors des premiers week-ends et pour la nuit du 31 décembre au 1er janvier, qui avez-vous rencontré ?
TW : De tout ! J’ai passé mon temps à échanger avec des petits groupes de gilets jaunes et j’ai surtout rencontré des personnes remarquables, animées d’une colère désespérée, mais tellement avides de solutions ! Des femmes et des hommes de tous âges et de toutes obédiences confondues qui demandent à être entendus, reconnus, mais qui ne sont pas prêts à se contenter de quelques rustines bien présentées. Ils veulent un changement profond et radical de notre société.
Nous vivons un moment historique, ils ne lâcheront pas, ils passeront l’hiver et seront encore debout au printemps et encore plus déterminés ! Et quand je dis « ils » c’est nous, c’est vous… Si vous saviez combien j’ai regretté que l’union évolutionnaire ne soit encore aujourd’hui qu’un groupuscule restreint dans sa capacité à offrir ne serait-ce qu’un lieu d’accueil pour prolonger les échanges et partager les savoirs. Cela sera notre priorité en ce début d’année, trouver un lieu où nous poser et passer à l’ACTE :
Agir – Créer – Transmettre – Évoluer
LR : Mais vous dites vous-même que vous n’êtes pas un parti politique, que vous n’êtes pas réel, que vous êtes une expression du futur, un jeu grandeur nature, un spectacle ambulant ! Et pourtant vous vous posez en rassembleur ?
TW : Il n’y a rien de contradictoire à cela et je vais vous répondre par comparaisons, si nous étions un parti, nous serions celui de l’imaginaire, si nous étions une religion nous serions celle des rêves et si nous sommes présents aujourd’hui, c’est parce ce que nous croyons en demain ! Nous offrons aux citoyens un champ d’expérimentation décomplexé qui n’est pas soumis aux diktats de la réalité.
Les arts et la poésie ont pour vocation de métamorphoser le monde, cela me semble une belle résolution pour l’année 2019.
Propos recueillis par Le Riposteur, journal éphémère.